« Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » de Patrick Modiano

Éditions NRF Gallimard. 2014.

Je ne connaissais pas… ou peu… Patrick Modiano. Enfin comme beaucoup. Un type qu’on voit rarement à la télévision (où voir les auteurs ailleurs ?) et qui met mal à l’aise. Ceci expliquant peut-être cela. Mais un Nobel est un Nobel quand même ! Mais c’est quoi un Nobel, en littérature ? Fallait que je sache. Depuis quelque temps je furetais, lors de mes nombreuses séances de dédicaces, dans le rayon littérature générale, dans les « M », je tripotais un bouquin, toujours petit, comme j’aime (je suis un lecteur fainéant qui préfère la concision du contenu à la roboratification littéraire en vogue en nos médiocres jours. Sans toutefois tomber dans un certain snobisme à la Delerm  🙂 ) et, chaque fois, je renonçais et re-glissais l’ouvrage entre ses deux collègues.

Et puis, récemment, une amie m’a tendu ce livre en me disant : « Tiens, je viens de m’apercevoir que je l’ai en double celui-là ». Modiano, décidément ! J’y ai vu un signe, une invitation. J’ai commencé à le lire, d’une seule traite comme s’il allait s’effacer au fur et à mesure. Et c’est ça, en fait, ce livre, un effacement de la vie accompagné de quelques résurgences inattendues et souvent mystérieuses. Je ne raconte jamais l’histoire. Elle serait d’ailleurs périlleuse à résumer. En gros trois époques de la vie d’un homme : l’enfance, la jeunesse et la maturité. Un total besoin de s’accrocher, de se raccrocher aux lieux avec une précision de guide touristique. Mais un guide « spatio-temporel » où les endroits existeraient, évolueraient et disparaitraient. Une histoire simple à faire pleurer comme celle de Flaubert mais complètement différente. Des flash-backs compliqués et, dans les flash-backs compliqués, d’autres flash-backs.

En général j’ai horreur de cette technique que je trouve racoleuse et qui convient mieux, à mon avis, aux scénarios de cinéma. Et là, allez savoir pourquoi et comment, j’ai été emporté, happé. Par l’enfance d’abord avec ces impressions décrites qui réveillaient certaines qui s’étaient endormies chez moi. Une nostalgie prégnante et poisseuse que l’âge adulte a enfoui et à laquelle la maturité se raccroche. Puis l’âge de l’action. On ne pense pas, on avance, on vit, on oublie. Et le début de la vieillesse où tout a disparu depuis longtemps et où tout réapparait, par bribes. Je me sentais chez moi dans tous les lieux visités, décrits et pourtant je n’en connais aucun. Tous ces lieux qui font partie de nous et qu’on ne commence à comprendre que longtemps après les avoir quittés.

J’ai aimé ce personnage de Jean Daragane, un écrivain ours, désabusé, partiellement amnésique, renfermé (Modiano lui-même, sans doute) auquel le hasard, ou pas, offre son passé par petits morceaux. Un jeu de piste à la faveur d’indices épars. Un puzzle d’où, une fois assemblé, sort une vie entière. On ne sait pas tout, à la fin. On perd les personnages secondaires, on s’embrouille entre les époques, les comparses. Mais il reste juste l’essentiel. Je me suis retrouvé attaché à Annie, Chantal, Jean comme si je les connaissais intimement mais que j’avais du mal à situer. Des impressions fugaces et bouleversantes. L’auteur parvient à nous faire changer nous-mêmes d’époque en baladant son personnage à travers les diverses siennes. J’ai été l’enfance de Jean, je suis sa maturité (évitons le terme vieillesse qui attendra encore un peu). J’ai même reconnu le train qui l’emmène vers l’oubli. Fort, trop fort ce Modiano ! On referme ce livre comme on refermerait son propre cercueil. Embarquez avant qu’il ne soit trop tard. Pas sûr que vous aimerez mais plus rien ne m’étonne…

« Simple » de Franz Bartelt

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