« Simple » de Franz Bartelt

Editions Mercure de France, collection Mercure galant. 1999

Par quel hasard, ce livre de Franz Bartelt, auteur auquel je voue une admiration sans bornes, a-t-il parcouru le chemin des rebus de la bibliothèque de Tourcoing à la boîte à livre du coin de ma rue ? Bien entendu j’ai sauté sur l’occasion pour le soustraire de mains innocentes et m’en repaître d’une traite. Du grand Bartelt, du chaud Bartelt et du 100% Bartelt. Quel bonheur ! Quel style ! Quels mots ! Quel vocabulaire ! Bref, quel (très grand) talent ! Et tout ça, dans un vrai porno. Il n’y avait que Bartelt pour réussir cet amalgame.

L’éditeur fait nettement dans l’euphémisme en qualifiant sa collection de « galante ». Un porno mais que pas que … (la formule du « mais pas que… » fait florès ces temps-ci), du porno littéraire digne de l’Académie selon moi. On y suit un écrivain, Adam, qui écrit son premier roman. La chance, le hasard (toujours lui) lui font rencontrer, dans la vraie vie, son personnage principal (et unique) en la personne de Simple, une jeune femme qui n’a pas froid aux yeux et, encore moins, au cul. Un dialogue chaud s’installe entre les deux personnages et Simple démolit systématiquement les velléités littéraires de l’auteur ambitieux pour le confronter directement à ses futurs lecteurs. Et elle n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il est secoué, branlé je dirais, le pauvre auteur qui doit ravaler, une à une, toutes ses certitudes, ses ambitions et ses hypocrisie littéraires. En le mettant face à une réalité plus que crue, en lui maintenant une bandaison satisfaite que de promesses, le personnage prend vite l’ascendant sur le pauvre auteur qui se trouve contraint de suivre. Je peux vraiment affirmer qu’il en est ainsi dans les rapports personnages/ auteur. Un livre chaud, imaginatif, sans temps mort (un temps mort, pour l’héroïne, est un temps où on ne bande pas ou ne mouille pas) qui a l’ambition d’un véritable « atelier d’écriture ». Combien de nos auteurs, bestsellérisés par le marketing agressif de leur éditeur industriel, devraient s’inspirer des préceptes défendus dans cet ouvrage ? Combien d’auteurs débutants ne devraient jamais cliquer sur le logo « Word » de leur écran avant d’avoir lu ce livre ?

Pour un page turner, c’est un page turner. On avale les 150 pages d’un trait, « Comme un jet de foutre » aurait sûrement précisé l’héroïne, tant cette lecture est jouissive. Démonstrative aussi. On y est à chaque page. Et le sens des mots, leur choix, entre ces deux personnages diamétralement opposés : Un ravissement. Je ne vais pas « remplir » cet avis d’extraits car c’est, comme pour Victor Hugo, impossible de trouver une réplique meilleure que l’autre. Chacune est pesée et fait mouche. Juste, quand même, une phrase qui donne le ton sans affoler : « Adam, tu écris n’importe quoi, comme un professeur de collège qui voudrait gagner un concours de poésie. » Combien de nos grands contemporains écrivent ainsi pour plaire à tout le monde ? J’ai été surpris mais pas étonné de retrouver, dans ce registre plus confidentiel, le style inimitable (et surtout inimité) et ciselé de Franz Bartelt. Un livre qui ne plaira pas à tout le monde mais plaire à tout le monde, est-ce réellement exister ? Une façon très originale et intelligente, à mon humble avis, d’aborder différemment le registre du porno (de l’érotisme pour les chichiteux qui cherchent un prétexte, une intellectualisation de leurs plus bas instincts). Beaucoup d’enseignements pour la mécanique de l’écriture. Un livre nécessaire, une leçon.

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