Nous voilà installés, René et moi, aux sièges 50H et 50G d’un Boeing quelconque de la compagnie Korean Airlines, vol KE902, en partance pour Séoul. Pas banal, pour ceux qui nous connaissent. Momo a décliné. Il a peur de l’avion et, de toute façon, notre mandat de mission ne prévoyait que deux places. C’est donc l’ex-gros qui s’y est collé. Pas à l’aise pépère. On dirait un condamné à mort sur sa chaise électrique.
– C’est la première fois que tu prends l’avion ? m’étonné-je.
– À Jeun, oui !
Même les hôtesses, aux petits soins et triées sur le volet, ne parviennent pas à lui faire oublier les douze heures du vol. Moi, si. Pourtant on ne peut pas dire que ça soit ma came non plus les balades hors-sol. J’aime, à la rigueur, les courts courriers, voire très courts, quand on vous dit « restez assis pendant le décollage » et, aussitôt après « restez assis, on atterrit. » Là ça va. Presque. L’atterrissage ne me fait pas peur, c’est une libération pour moi. Plus je vois le sol se rapprocher, les détails grossir, plus je retrouve des couleurs.
Aujourd’hui, avec mes deux Atarax, gobés discrètement dans la zone d’embarquement, et René momifié sur le 50G, ça va. Ça va même pas trop mal. Je me file le torticolis à suivre des yeux l’hôtesse de notre rangée. J’essaye d’imaginer sa vie quand elle est en civil dans son pays. Inutile de vous dire que je fantasme carrément sur tous les sujets car je ne connais strictement rien à la vie coréenne. Avant cette mission tombée du ciel qui nous emmène si haut, jamais je ne m’étais posé de questions à propos de la Corée. Tout juste si je savais que Séoul (merci les JO !) en était la capitale et que le pays était divisé en deux (merci Kim Jong-un !). Je voyais bien ça vers la Chine ou le Japon, plein est, mais c’était flou. Bien sûr, je me suis renseigné avant de partir et j’ai vu où c’était. Une sorte de botte italienne qui serait passée sous un char d’assaut et qui pataugerait entre la mer Jaune, la mer de Chine et celle du Japon. J’ai aussi regardé des tutos sur YouTube, faits par des étudiantes expatriées, qui vous racontent « the Korean’s way of life ». J’ai vu tout de suite le fossé. Un pays à ne pas glisser un Martinez. René dort, René ronfle, René ne touche même pas à son plateau repas. Moi ça me fait passer le temps et me change les idées. Je suis relativement serein (effet Atarax ?) et, enfin, on arrive. Avec le décalage horaire, ça fait comme si on avait volé dix-huit heures. On est partis hier soir à 21 heures, heure française, et on se pose à 15 heures, heure locale. Il fait beau, même très beau pour une fin octobre. J’ai lu quelque part que c’était la période idéale pour aller là-bas. Un peu comme un beau mois d’août chez nous. Incheon, l’aéroport, nous en fout plein les mirettes. Moi qui voyait en Roissy un must de la modernité moderne, je redégringole l’escabeau : Une pouillerie le Roissy à côté ! Net, clean, lumineux, architectural et au bord de la mer. What else ? comme dirait l’autre. René n’est plus que deux yeux et une bouche grands ouverts. Je tente de ne rien laisser paraître mais c’est pas facile. Les formalités ? Une lettre à la poste. Les bagages ? Ils nous attendent déjà sur les tapis de distribution. Ils ont dû commencer à les sortir pendant l’atterrissage, c’est pas possible autrement. Chez nous c’est à peine s’il ne faut pas multiplier le temps de vol par deux pour espérer sortir de l’aéroport et aller se perdre dans les infinis ronds-points sans lesquels la France ne serait pas la France. Le quai d’Orsay (ministère des Affaires Étrangères), eh oui ça change, a bien fait les choses. Dés notre débarquement, facile en suivant le flot des voyageurs, nous sommes pris en charge par un jeune homme badgé « Jeongbae » qui nous attend avec une tablette sur laquelle figure mon nom, et uniquement le mien ce qui chiffonne mon compère, qui nous attend à la sortie. Le parking est juste en face. Le gros SUV Hyundai (quoi d’autre ici ?) ouvre son coffre alors que nous en sommes encore à cinquante mètres. Nous y déposons nos deux valises et embarquons. Je monte devant. Jeongbae est parfaitement francophone, sympathique et très discret. Sur les cinquante, à vue de nez, kilomètres qui nous séparent de notre point de chute, il nous fait une mini conférence, genre Wikipédia, sur Séoul. On en a plein les mirettes.
Nous nous sentons si loin et, en même temps, pas trop dépaysés. Je devais imaginer, dans mon subconscient, des chars à bœufs et des iguanes traversant la route. Je dois confondre avec un autre patelin visité sur Arte un après-midi de sieste. Là tout est vaste de chez vaste. Vingt-trois millions de pékins, si je puis dire, faut les caser intra-muros. Les échelles ne sont pas les même. Les avenues urbaines qui quadrillent la capitale font quoi ?… Huit, dix voies ? Pas moins, c’est sûr. Notre chauffeur-guide commente et nous explique que le choc aurait encore été supérieur si on était rentrés par Gangnam, le quartier ultra-moderne dont on aperçoit les silhouettes dans la brume de chaleur, sur notre droite, quand on traverse le fleuve Han qui, comme la Seine coupe Paris en deux, coupe Séoul de la même façon.
– C’est quoi ce truc qui dépasse ? demande René, qui n’en perd pas une, en désignant une masse effilée qui s’estompe en plein milieu de Gangnam.
– La Lotte Tower, inaugurée en 2017, 123 étages, 555 mètres de hauteur. Nous irons la visiter, explique notre chauffeur qui vient juste de raccrocher son Samsung.
Ici, téléphoner au volant ne semble choquer personne. Nous arrivons assez vite à Sinchon, notre port d’attache sur la rive droite du Han en plein quartier étudiant. Jeongbae se stationne dans la ruelle transversale de notre hôtel : le Ever 8 serviced Résidence, Bâtiment moderne d’une vingtaine d’étages. Il nous décharge des formalités, nous explique les habitudes (petits déjeuner en sous-sol, divers équipements dont nous n’aurons pas le temps de nous servir etc.) et nous accompagne jusqu’au quinzième étage où nous allons résider durant les deux prochaines nuits. Trois jours, croyez-moi c’est très dur pour le jet lag. On va mettre un mois à s’en remettre. Mais c’est une autre histoire. Notre chambre est en réalité plutôt un appartement avec deux chambres (ouf !), une vaste salle de bain et une cuisine. La vue… que dire ? Mes collègues auteurs ne s’encombreraient pas l’esprit et diraient « à couper le souffle » et ils auraient raison. La vue mais aussi cette ambiance urbaine tentaculaire qui, pour un mec comme moi, est une réelle invitation à s’y fondre. René est plus pragmatique :
– C’est crado toutes ces terrasses sur les immeubles.
Je ne suis pas d’accord, j’aime ce qui grouille sous nos yeux, le Séoul aérien, la vie sur les terrasses d’immeubles. Jeongbae ne relève pas. Il a dû être briefé sur la délicatesse des français en voyage. Mais peut-être ne s’attendait-il pas à recevoir le maître étalon de cette réputation qui nous précède au-delà des frontières. Il se retire en nous conseillant :
– Vous pouvez vous balader sans crainte, le quartier est très vivant et vous trouverez facilement de quoi dîner à l’extérieur. Mais essayez de dormir. Demain nous avons un programme chargé si vous voulez avoir un peu le temps de faire du tourisme. Je passe vous chercher à neuf heures.
Je n’ai pas trop sommeil et mon pote encore moins. Il a dormi tout le temps du vol, moi aussi sans doute. Je regarde mon téléphone portable qui s’est mis à l’heure locale tout seul. Dix-sept heures. On s’installe chacun dans sa chambre et je décide de suivre le conseil de notre collègue local. L’ex-gros est moins motivé mais je le sens solidaire, certainement en raison d’une inquiétude de se retrouver ainsi, seul, en terre inconnue.
– On va faire comment ? Ils parlent anglais ici ?
– Pas trop… Mais toi non plus.
– J’connais quelques mots, ça aide. Bon, allons-y ! Je te suis.
Je me repasse mes tutos dans la tête afin de ne pas trop nous faire remarquer « on ne se touche pas, on ne dévisage pas les gens, on traverse dans les passages piétons et quand c’est vert, on ne plante pas ses baguettes dans son riz, on ne fait pas ci, on ne fait pas ça »… Bref tout le contraire de chez nous. Séoul a le superlatif qui vous saute aux yeux dès qu’on pose un pied sur le trottoir. Une fourmilière. Il n’y a pas d’autre comparaison possible. Je m’étonne de voir les gens à la queue leu leu, par ordre d’arrivée, aux stations de bus. Traverser les très larges avenues (Nos Champs-Elysées, à l’échelle d’ici, font mine de route départementale), forcément dans les clous, est une expérience. Circulation piétonne alternée et respectée. L’élégance est de mise. On dirait qu’ils vont tous à un entretien d’embauche. Mon Cartoville, ouvert à la section F (celle de notre quartier), me sert de guide. Il date de deux ans et est déjà dépassé par la réalité. On redescend vers la place Sinchon – qui me rappelle un peu Piccadilly Circus, à Londres – point de convergence, en étoile, de cinq avenues balèzes. Dépaysés mais pas trop. À la sortie du métro, un Mc Do, un peu plus loin un Starbucks Coffee. Un peu comme chez nous si on peut dire ça comme ça en parlant de ces deux enseignes monstrueuses. J’ai un peu le tournis. René me suit comme un toutou en me collant de près. Pas à l’aise, le banlieusard. Vitry est si loin qu’on se demande si elle existe vraiment. Les vastes avenues encadrent des quartiers plus confidentiels, parfois carrément digérés, traversés par des petites rues très calmes, très sombres et quasiment sans circulation automobile. Je choisis de remonter vers l’hôtel par l’une d’elles. Une « ruelle à restaurants » qui figure sur mon plan et qui, immanquablement, va nous ramener à notre point de départ. À l’endroit même où Jeongbae a garé sa voiture pour nous déposer. J’ai un peu le tournis, je vous ai dit. On va trouver de quoi dîner et rentrer. Sur la place, sur les avenues, vous ne pouvez pas faire dix mètres sans croiser un stand de « cuisine de rue » si prisée ici. Un fourneau, une table sur le trottoir et une dame qui fait la tambouille. Parfois il y a aussi une table et deux ou trois chaises pour ceux qui veulent consommer sur place. Étonnant. Étonnant aussi ces petits vieux ou petites vieilles qui tirent des chariots plein de cartons et nous croisent quand nous remontons. Complément de retraite ou retraite tout court, ils assurent le nettoiement de la ville en récoltant tout ce qu’ils peuvent revendre une misère dans une recyclerie. Autant le boulevard flashe autant notre petite rue en pente est plongée dans le noir (et encore, la nuit n’est pas tout à fait tombée). Le soleil de fin d’après-midi est bouffé par la densité et la hauteur des constructions. On continue l’ascension jusqu’à apercevoir la masse imposante de notre résidence nous barrer l’horizon. La voie s’élargit un peu et, de chaque côté, on trouve des gargottes bien sympathiques. Même s’il est encore tôt, ça n’est pas un problème pour manger. Le problème c’est de lire le menu et de se faire comprendre. René tente :
– Please, make-us nous quelque chose to eat avec de la bidoche !
Pour la viande, pas de problème, c’est une religion la viande ici. Le garçon du Korean Barbecue où nous sommes entrés nous invite à nous asseoir. Il nous parle. Je panique, je n’entrave pas un mot. Je me fends d’une courbette (comme vue sur un tuto, avec les deux mains jointes) et René lui tape sur l’épaule. Ça commence mal. On nous installe et une dame très discrète et souriante commence à alimenter notre table en coupelles diverses et variées contenant des trucs divers et variés. Le garçon allume le réchaud à gaz qui constitue le centre de notre table et y pose un grand plat faisant penser à une poêle à paëlla. Un filet d’huile incolore et il commence à alimenter le plat en petits morceaux de viande, en légumes de toutes sortes coupés, eux aussi, en morceaux. Puis une sauce rouge et il tambouille l’ensemble sans s’occuper de nous. Ça dure un moment. Faut que ça cuise. J’ai commandé du thé et la dame nous sert une tisane qui a un vague goût de pain grillé (je saurai plus tard qu’il s’agit de riz grillé). René est à l’aise. Dès l’instant où quelque chose cuit devant lui, tout va bien. Il aide même à tambouiller avec une de ses baguettes. Sûrement pas protocolaire mais je n’ai rien vu à ce propos dans ma culture tutorielle. Au bout d’un moment durant lequel, sans trop savoir si c’était convenable, on a pignoché dans les coupelles, les carottes étaient cuites et notre garçon nous invitait à nous régaler. Autant les coupelles c’était pas ça, autant la « paëlla » est une tuerie. Et copieuse en plus. La viande c’est du porc et, sans doute, du poulet. Aïe, aïe, aïe, que c’est bon ! Les légumes croquants et gouteux, la sauce épicée mais pas trop.
– Il est où l’pain ?
– Y’en’a pas ! Mais tu as un bol de riz.
– Ah bon !
Dix-neuf heures trente. On n’a pas sommeil. Sur le trottoir, René me tire la manche.
– On ne va pas se pieuter si tôt quand même ! On est à l’aut’bout du monde, on a des choses à voir. Fais péter ton plan.
Il a raison, je lui tends mon Cartoville. Section F.
– Tiens, ben regarde, y a une rivière pas loin. On pourrait aller y faire un tour. Y’a p’têt des bateaux mouches !
« Pas loin », il ne sait pas lire les échelles, lui. Deux kilomètres environ avant de pouvoir envisager de remonter nos bas de pantalons et mettre les pieds dans l’eau. Mais cette échelle m’intrigue. Si je la crois, le pont Seogang, qui nous attend au bout de la rue, fait plus d’un kilomètre de long. Balaize, le bras de rivière ! On se passera des bateaux mouches car je vois aussi sur la carte, de l’autre côté, l’embarcadère de Yeouido Ferry mais à au moins quatre ou cinq kilomètres d’ici. Tout est démesuré. En quatre bornes tu traverses la moitié de Paname, ici tu traverses un pont. On enquille, via le vaste trottoir, Seogang-ro (road sans doute) et on met un certain temps pour parvenir à « la rivière » Han et son pont.
– Putain, le pont !
– On est là, on l’essaye.
– Je veux, oui !
Mille mètres de traversée sur un passage piéton indépendant de la chaussée. On croise un vélo et quelques piétons absorbés par leurs écrans de téléphone. La nuit tombe. En face, sur notre gauche, la silhouette urbaine de l’ile de Yeouido, la financière, avec ses gratte-ciel scintillants dans la nuit. On se sent petits sur notre pont. Une sorte de vertige nous contraint à faire demi-tour à mi-chemin. Sous nous, une ile, grande comme l’ile de la cité, qui sert de réserve ornithologique.
– On rentre, je suis clamsé.
C’est tout droit et Sinchon est bien indiqué (les panneaux sont bilingues : Coréen et alphabet latin). Il nous faut presque une heure pour rallier nos cambuses. Je n’ai toujours pas sommeil. On se succède dans la salle de bain. Demain sera un autre jour. Je passe du temps à la fenêtre, surplombant la ville tentaculaire, la vie, les gens, et je rêvasse.
Pile à l’heure, Jeongbae ! Neuf heures et il tapote discrètement à la porte. Au radar, j’ai sommeil. Foutu décalage ! Difficile de réveiller René qui se croit chez lui.
– Ben, qu’est-ce tu fous là ? T’es rentré comment ?
Il regarde autour de lui et commence à comprendre. Notre chauffeur n’en revient pas que nous ne soyons pas prêts. Impensable ici. Surtout pour des représentants nationaux. René enfile son froc en même temps qu’un saucisson qu’il avait eu la précaution de mettre dans sa valise avant de partir. Entre autres spécialités qui sont passées miraculeusement à la douane. À neuf heures dix, on est devant l’ascenseur et à quinze, dans la voiture. « C’est quoi le programme ? » je demande à Jeongbae qui démarre.
– On se dirige vers Hangang-Daero, à la gare de Séoul, pour récupérer votre interlocuteur…
– Il vient par le train ? Il n’est pas d’ici ?
Le chauffeur rigole de bon cœur.
– Non, il vient de Busan, la deuxième ville du pays, tout au sud. Un port important. Cinq cents kilomètres environ.
On a bien fait douze mille bornes, il peut bien s’en taper un demi-millier. La circulation est dense mais je trouve que ça roule nettement mieux que chez nous.
– Elle est loin cette gare ? interroge notre passager arrière qui regarde dans tous les sens.
– Non, on y arrive. On sera en avance. Le train de Doyen Huisu est annoncé pour onze heures. On va aller manger quelque chose en attendant.
Nouvelle qui réjouit mon acolyte dont le saucisson est digéré depuis longtemps. Le SUV emprunte la rampe d’un parking souterrain. Il doit avoir un passe-droit car un employé sort de son cagibi pour nous guider jusqu’à une place réservée. Quelques politesses entre les deux coréens et on se retrouve à l’air libre sur une vaste avenue. Nous tournons le dos à la gare centrale. Difficile, à Séoul, de trouver un endroit d’où on ne voit pas un Starbucks. Il y en a partout et partout ils sont blindés. Beaucoup de consommateurs avec leur ordi portable ouvert devant eux. Jeongbae nous entraîne et ignore le café amerloque devant lequel nous passons. Nous dépassons également une file de séoulites qui attendent le bus. Pas un ne sort du rang, personne ne se touche. On respecte les distances ici. Il fait beau et les mini, très mini-jupes sont de rigueur. Si vous aimez les épaules, c’est pas ici qu’il faut venir. Elles sont cachées. Par contre les guibolles sont de sortie. Pas le temps de profiter, notre guide nous entraîne dans une sorte de petit restau et éclaire ainsi le visage de René. C’est rigolo, le patron qui doit être chinois est le sosie de Monsieur Félix, celui de notre bistro habituel à Vitry.
– Je vais vous faire découvrir le petit-déjeuner coréen. Mais ne vous gavez pas trop, j’ai prévu autre chose pour le déjeuner.
On s’installe. Pas de gazinière au milieu de la table. On nous sert du café (américain, beurk) un grand bol de riz gluant chacun et six petits plats communs. Mon collègue fait la gueule. On regarde Jeongbae faire et on s’inspire. Les baguettes coréennes, en ferraille et fines, nécessitent encore plus de concentration que les chinoises en bois que nous connaissons. Mais on nous apporte des fourchettes. Notre hôte mange rapidement, sans un mot, en alternant riz et trucs des petits plats. René prouve son instinct supérieur en le devançant d’une courte tête. Il fait la grimace à chaque bouchée mais il lui en faut plus pour renoncer à bouffer. Je tente d’analyser : salade de petits coquillages, épinards, truc pas bon, anchois frits, truc aigre et poitrine grillée. Ici on mange vite, sans parler et à la dernière bouchée on se lève et on quitte la table. Par bienséance c’est le plus vieux qui commence. Je comprends pourquoi Jeongbae scrutait René avant d’attaquer. En sa qualité d’ainé de la table c’était à lui de donner le top départ.
– Vous n’avez pas aimé le Kimchi ?
On se prend la question, sans comprendre, sur le trottoir en nous dirigeant vers l’entrée principale de la gare de Séoul.
– Le quoi ? demande René qui a pourtant presque terminé tous les ramequins avant de se lever définitivement.
– Le Kimchi, notre plat national. C’est des légumes fermentés et épicés. C’était le chou dans la sauce rouge.
J’avoue n’avoir pas fait une seconde tentative après la première. C’est encore René, le spécialiste culinaire de notre duo, qui répond :
– Ah ça ! Ben si mais, sauf vot’respect, il avait un goût d’rance, vot’chou. Et j’vous f’rai r’marquer que, si j’ai pas saucé, c’est parce qu’il n’y avait pas de pain.
Jeongbae se marre.
– Demain matin, avant de vous raccompagner à Incheon, on s’arrêtera dans un « Paris-Baguette », vous serez contents.
Nous sommes pile à l’heure. Le train aussi (on se croirait à l’étranger). Notre accompagnateur m’indique, d’un signe de menton, un petit groupe qui se dirige vers nous.
– Les voilà !
Courtes présentations :
– Doyen Huisu, qui vient exprès de Busan pour vous rencontrer, madame Insuk, son épouse…
Courbettes de bon aloi (sauf René qui tend la main et la joue sans réponses). Jeongbae nous présente à notre tour, en insistant sur moi car visiblement René l’agace un peu. Deux autres jeunes mecs accompagnent le couple et c’est le doyen qui les nomme :
– Gunhee et Dalja qui sont nos assistants.
Les assistants ont plus l’air de garde du corps et restent en retrait de deux mètres. Le doyen et madame sont deux septuagénaires (je le dis parce que je le sais car il est très difficile de leur donner un âge tant leurs silhouettes n’ont pas dû bouger depuis le siècle dernier) plutôt sympathiques. J’ai été briefé sur mon interlocuteur avant le départ. Huisu a fait fortune, dans les années quatre-vingt dix, avec des locations de parasols, de la blanchisserie (au sens propre du mot) et diverses activités côtières comme l’élevage de flétans. En réalité, c’était un parrain de la pègre locale qui, à force d’opiniâtreté et de beaucoup de rigueur dans les relations humaines (le couteau à sashimis ne chômait pas à cette époque) et, aussi, au bénéfice de l’âge qui avançait, était parvenu au sommet d’une pyramide mafieuse qu’il surplombe toujours actuellement. Même si les choses ont un peu changé et que cette mafia provençale fait un peu folklorique, maintenant, comparée à celle qui tient les véritables rênes (notamment sur Séoul et notamment à Gangnam). Aucun bagage. Le retour dans le sud, pour eux, est prévu par le train de quinze heures trois. Juste une petite sacoche « homme d’affaire » dans la main du doyen et un sac sur le dos d’un des deux porte-flingues. René n’arrête pas de fixer la doyenne et me confie :
– Tu trouves pas qu’elle a des airs de Paulette (sa nana du moment, au bled) ? En moins grosse, bien sûr, mais quand même.
Je ne vois pas du tout. La coiffure peut-être. Et encore. Je hausse les épaules et on emboîte le pas à la délégation. Je me demande, en marchant, comment on va tenir à sept dans le Hyundai. Eh bien l’organisation locale fait preuve d’une certaine rigueur. Les trains arrivent à l’heure et… un minibus nous attend sur l’avenue, toutes portes ouvertes. On se croirait dans une téléréalité hexagonale. Je n’ai aucun souvenir d’un tuto pour ce genre de situation, alors je laisse faire les choses. Le doyen grimpe, on m’invite à m’asseoir à ses côtés, puis la doyenne, Jeongbae et René sur la rangée derrière (heureusement, il a pensé à se mettre entre mon collègue et madame Insuk) et, tout au fond du van, les deux assistants tout droits sortis d’un film d’un Melville local. La barrière linguistique est étanche comme une éprouvette à virus et, donc, Jeo (c’est plus simple comme ça) glisse sa tête entre le patriarche du sud et moi pour nous faciliter les quelques mots que nous échangeons durant le trajet, que j’estime d’une douzaine de kilomètres, sur la voie rapide de la rive droite du Han. Huisu me demande ce que je pense de la Corée, n’attend pas ma réponse, me dit qu’il est particulièrement honoré de notre collaboration dans cette mission. Je dis « né né » (« oui oui » ça c’était dans un tuto) et on arrive après avoir passé le pont Jamsildaegyo. Je n’ai pas prêté particulièrement attention au paysage mais la réaction de René me donne une bonne indication :
– P’tain, l’immeuble ! Tu parles d’un sucre d’orge !
Lotte Tower se dresse devant nous. Elle a définitivement supprimé le soleil pour un tas de bâtiments, pourtant balaizes, construits à sa base et sur sa course. Je vais, pour une fois, utiliser une expression d’autrice de thrillers : J’en ai (vraiment) le souffle coupé. Ça ne traîne pas, on pénètre par un vaste et ultra-moderne centre commercial very hot gamme et on se retrouve au pied de l’ascenseur pour la montée au paradis. Deux hôtesses tip-top, dont je n’ose pas imaginer les journées à monter et descendre ainsi, nous accueillent. La cabine, extraordinaire évidemment, nous a été privatisée. Son périmètre est fait d’une sorte de mur d’écrans à 360 degrés qui diffusent des panoramas magnifiques pendant…la minute que dure l’ascension jusqu’au 118ème étage. Pas d’escale et les étages supérieurs (il y en a 123) se font à pied ou par escalator. Mon vertige entre en guerre avec mon émerveillement. Et je peux vous assurer que chez René c’est pareil. Idem chez le doyen et la doyenne pour qui, m’ont-ils dit dans l’ascenseur, c’est aussi une première. Vous voulez une idée ? Allez donc taper « Séoul Sky » sur votre moteur de recherche préféré. Vous en saurez plus qu’un long discours de ma part. Jeo (ah oui, c’est mieux comme ça), là encore, nous fait les honneurs de la visite. J’ai le mal de mer. C’est si vaste que, à première vue, on ne se rend pas trop compte d’où on est. Mais quand on s’approche du bord, quand on sort sur la terrasse en plein-air du 120ème ou quand on foule le plancher de verre du 118ème, croyez-moi, ça fait quelque chose. Madame la doyenne s’agrippe à son mari d’un côté et, de l’autre, fi du protocole, à René.
On voit que Jeo est très content de nous impressionner ainsi. Ma seule expérience était la tour Montparnasse. Déjà que… Mais, là ! Il insiste pour qu’on passe tous sous un robot-photographe qui nous immortalise avec le vide séoulite et son infinie étendue d’immeubles en arrière-plan. On s’y prête. On aura sûrement pas l’occasion d’y revenir de si tôt. Il nous explique, ensuite, les points de vue importants. Je ne retiens rien. Sauf la gigantesque ombre que cette tour fait planer sur la ville. Et j’avais raison de dire qu’elle distribuait son ombre un peu partout suivant le déplacement du soleil dans le ciel (je sais, c’est pas le soleil qui bouge). La partie « whaouh ! » retombe doucement. L’homme se blase vite, c’est son problème. On s’habitue à tout trop vite. On ne sait pas profiter. René a le nez sur un plan. Je sais ce qu’il cherche. Je sais qu’il a deviné qu’on allait déjeuner entre deux ciels. Jeo aussi a compris, il lui tape sur l’épaule (il se met à l’heure européenne pour la circonstance) et nous invite à le suivre. On redescend deux étages où une salle privatisée nous attend. Les deux « assistants » restent au garde à vous de chaque côté de la porte qui se referme sans bruit. On n’a même pas le plaisir du paysage puisque ce salon est borgne. Un comble quand même ! Pour le déjeuner ils ont mis les petits plats dans les grands. C’est-à-dire qu’il y a une vingtaine de ramequins en amuse-gueules, puis un généreux et très gouteux Bibimbap fait dans les règles de l’art (allez sur Google). René est aux anges. Comme personne ne parle il en profite pour se bâfrer. Coup de chance le doyen devait avoir la dalle car il n’a pas attendu que tout le monde soit installé pour attaquer avec ses baguettes en ferraille. On a ainsi évité l’incident diplomatique. On mange vite et en silence. Le Soju (Google) coule à flot sauf pour la doyenne et nous deux, René et moi. René a bien goûté « par politesse » a-t-il dit, mais n’a pas adhéré. Tant mieux, l’amener si loin pour le voir rechuter. Les petits plats se vident rapidement. Jeo réclame du Kimchi en rab. Pour le dessert on repassera. La formalité alimentaire – c’est comme ça que j’ai ressenti ce repas – terminée, tout le monde se lève et va s’installer sur quatre vastes canapés qui entourent une table basse où café, petits gâteaux et encore du Soju ont été apportés, en toute discrétion, par un personnel invisible. On se détend. Le doyen rigole, la doyenne pouffe, René baille. Pourvu qu’il ne s’endorme pas. Huisu et moi sommes chacun sur un canapé perpendiculaire à l’autre mais tous proches. Jeo s’accroupit entre nous, dans l’angle, et la conversation peut démarrer en traduction simultanée. Les deux clampins, qui n’ont pas quitté leur poste de tout le repas, sont invités à se restaurer rapidement. Ils le font bruyamment. Ah oui, j’ai oublié de vous dire – pourtant c’était dans mes tutos – en Corée, plus tu fais du bruit en mangeant, plus tu indiques que tu apprécies. C’est même un signe de politesse. Huisu se lance dans un discours comme s’il était à la tribune des Nations Unies. Je résume : Il me dit que ses sentiments sont partagés, qu’il est honteux de trahir ainsi sa patrie qui lui a tant donné (ou laissé prendre) mais aussi très heureux de pouvoir, par son geste, accroître le rayonnement international de la Corée du Sud. Il précise bien « du sud ». J’ai l’impression que Jeo synthétise un peu car le vieux me débite un flot de paroles ininterrompu. Je lui formule des phrases toutes faites apprises lors d’une séance de formation préalable, suivie au Quai d’Orsay, la semaine dernière. Genre : « La Corée et la France sont deux sœurs qui naviguent sur le même océan, celui du progrès ». Il semble apprécier ce lyrisme qui chasse un peu sa culpabilité. Et, enfin, se décide à ouvrir la sacoche qui ne l’a jamais quitté. Il en retire un emballage cadeau en hanji (papier coréen traditionnel aux propriétés exceptionnelles) qu’il ouvre soigneusement. Qui révèle un petit coffret en bois qu’il ouvre à son tour. Le coffret est vide et Huisu sourit, content de son effet. Il pousse une des lames, qui forment le couvercle, et qui s’avère être une clé USB ultrafine. Me la montre en la faisant tourner sous mon nez et la remet en place ni vu, ni connu. Puis il refait le paquet cadeau et, très adroitement, le lie avec un cordon d’hanji roulé et me le tend en me disant « ja ! » (« voilà »). J’avoue être bêtement ému par ce protocole. J’hésite à l’embrasser mais je sais que ça ne se fait pas. Je me lève donc et me penche à quatre-vingt dix degrés devant lui. Ému et inquiet parce qu’on ne m’avait pas dit ce que j’allais rapporter de ce voyage. Et je cogite que ça ne doit pas être n’importe quoi pour avoir payé un tel voyage à deux gugusses de banlieue tels que nous. Un Chronopost aurait fait l’affaire, non ? Bon, on est là et on peut dire que les carottes sont cuites. Autant poursuivre. À cette altitude le temps passe plus vite, il me semble. Et Jeo me signale qu’il va être l’heure de raccompagner nos provinciaux (c’est son terme, preuve que chez les jeunes, là-bas aussi, le respect n’est plus ce qu’il était) à la gare. Il a raison car la circulation s’est un peu intensifiée. Mais nous arrivons légèrement en avance. Pas de stress. On se retrouve en bout de quai pour des effusions complètement surréalistes. Madame Insuk est à deux doigts de pleurer. Deux doigts seulement, heureusement, sinon René, généreux tel que je le connais, l’aurait enlacée pour un câlin consolateur et… serait mort, suriné, à douze mille bornes de son cimetière. Mettant ainsi fin, du même coup, aux bonnes relations Franco-Coréennes. Tout le monde se plie en deux à de maintes reprises. Le signal, j’imagine, de l’embarquement, diffusé par haut-parleur, interrompt la cérémonie. Le minibus a disparu du paysage et nous rejoignons la voiture de Jeo dans son parking. Notre chauffeur se montre discret à propos de ce qui vient de se passer et réenfile son costume de guide touristique.
– Il nous reste peu de temps pour prétendre visiter Séoul…
Je pense qu’il faudrait y vivre un an pour en faire le tour. Il continue :
– Mais je vous ai préparé un programme qui vous donnera une idée.
On fait confiance. René s’endort, bercé par le flot de la circulation et l’abus de ramequins peu adaptés à nos estomacs. Je vous résume car on est fatigués. Ce décalage nous décalque. La première escale, au pas de course, nous mène dans un des marchés prisés de Séoul dont je n’ai pas noté le nom. Ambiance « Le grand bazar » d’Istanbul en plus fou, dense et exotique. Une infinitude d’échoppes et des allées centrales toutes occupées par des stands de bouffe. Impressionnant. C’est blindé. Des galettes de pomme de terre, des calamars gigotant au bout de baguettes, des trucs et des machins, des explications rapides et inaudibles de notre guide et on réembarque. Destination tout au nord : Changdeokgung Palace, un palais impérial qui date du XIVème siècle mais qui a été entièrement reconstruit pendant que Ravaillac étripait notre bon Henri IV en 1610. Magnifique, immense, coréen ! Un réel, enfin, dépaysement, une balade dans le passé glorieux de l’empire. Les locaux le visitent déguisés. Tout autour il y a des boutiques qui louent des costumes d’époques. Les jardins sont sublimes, même en courant. René n’en peut plus. On sort de l’enceinte pour parcourir les ruelles en pente de Bukchon, un village très traditionnel accroché à flan de colline (et on est toujours à Séoul). Jeo nous explique ce que sont les Hanok, petites maisons très anciennes (souvent complètement rénovées) serrées les unes cotre les autres. Arrivés au sommet de la colline on a une vue imprenable sur tous les toits de tuiles noires qui dégoulinent jusqu’en bas. Nous nous autorisons une étape rafraichissante dans une de ces maisons où une brave femme nous accueille dans sa cour. Très joli patio, très belle ambiance sereine et reposante. La dame ne propose que du jus d’orange frais. Elle en profite pour nous montrer les photos d’un voyage en Europe qu’elle a fait il y a une dizaine d’années. Huit jours de vacances, c’est un grand max ici. Et elle a vu Rome, Venise, la tour Eiffel, Notre-Dame (intacte), Big-Ben et plein d’autres sites. Et on se plaint de notre rythme ! Vidés, morts quand Jeo nous benne devant le Ever 8 serviced Résidence, en nous disant, comme à regret :
– Demain vous décollez à quatorze heures, je dois donc venir vous chercher à neuf heures. Mais, promis, on prendra le petit déjeuner dans un « Paris Baguette ».
Et il claque un grand coup dans le dos de René. Il s’adapte vite. Nous, on n’a plus sommeil. On traîne, pour le dernier soir, dans les ruelles de Hongdae, quartier étudiant qui vit toute la nuit. On trouve, à l’instinct, un restaurant qui sert des jeon (petites galettes frites aux légumes et à la viande). Pas donné mais je réclame la note. Puis on termine la soirée en se perdant dans le labyrinthe improbable que constitue ce quartier. Des jeunes, beaucoup de jeunes, nous croisent. Des gamines veulent se faire prendre en photo avec nous. Nous devenons les rois du selfie de groupe. Une insouciance qui tranche avec les conditions de vie plutôt draconiennes de la population en général. J’aime quand, comme ici, dans un lieu qui m’est totalement étranger, je commence doucement à prendre mes marques. Rarement je quitte un pays sans nostalgie ou avoir envie d’y revenir, d’y vivre. Combien de vie me faudrait-il ? La raison nous colle sous la douche et dans nos chambres. Il est vingt-trois heures et je passe une partie de la nuit devant la fenêtre à regarder les gens, à essayer d’imaginer leur vie. Les terrasses sur les immeubles, que René trouve moches, ont chacune leur vie propre. Aussi loin que je peux, je vois les feux des voitures. Où vont-ils tous à cette heure ?
Je me réveille parce que j’ai mis le réveil. Fatigué. Douche et je secoue René. Il est plus en forme que moi. Un second saucisson y passe et nous sommes près pour attendre Jeo. On ne va pas lui refaire le coup du retard. Ponctuel, il frappe à neuf heures précises. Il est ému quand je lui donne la bouteille de grand cru Saint Emilion que j’avais prévue à son attention. Une émotion non feinte. Ou alors très bien feinte. Bref, il est content. Comme promis il nous conduit, à pied, au Paris Baguette sur Seongsan-ro à deux ou trois cents mètres. Des Paris Baguette, il y en a partout. Autant que des Starbucks, plus peut-être. Ce sont des boulangeries de restauration rapide inspirées de l’ambiance française et, surtout, de la pâtisserie et des viennoiseries. La qualité est là, l’accueil aussi, très cérémonieux. Les salariées, en marinière et avec un béret sur la tête, font très caricaturalement « parisiennes », le charme de l’Asie en plus. L’expresso est excellent, les croissants comme chez nous. On s’y sent bien. Comme d’habitude, Jeo mange sans rien dire. Nous non plus, d’ailleurs. On est amorphes. J’insiste pour payer. Et nous revoilà à la case départ : Incheon Airport International. Je ne vous raconte pas la zone d’embarquement, vous ne me croiriez pas.
Voilà, nous sommes rentrés. Notre mission est terminée et un vertige me tourne un peu la tête. Comme si j’avais rêvé ces trois derniers jours. Nous quittons les salons du ministère des affaires étrangères où on nous a conduits dès notre débarquement au terminal 2E de Roissy. Le ministre, en personne, celui qui ressemble à André Pousse et dont je ne me souviens pas du nom, nous a reçus. Je vous passe le compte-rendu approximatif de René mais le bonhomme semble être rompu à la France profonde. Il a récupéré le petit paquet enveloppé de hanji et l’a aussitôt escamoté dans un tiroir de son bureau doré. Puis il nous a fait servir des cafés et s’est excusé de ne pas nous accompagner à cause d’aigreurs d’estomac. Ensuite de quoi, après nous avoir promis la médaille du mérite et remis, à chacun, une pochette griffée du ministère et de la République Française contenant un large dédommagement, il nous a fait raccompagner à la bouche de métro des Invalides par un huissier qui n’a pas moufté un mot et qui nous a remis, à chacun aussi, un ticket de métro. La République fait bien les choses.
Je ne saurai jamais ce que contient cette clé qui a nécessité tout ce tralala mais j’aime à imaginer que c’était la vraie recette du Kimchi car, là, je sors d’un restaurant coréen du boulevard de l’hôpital et je puis vous assurer qu’il est encore plus dégueulasse que là-bas. Et dire qu’au moment où j’écris ces mots, là-bas, loin, en Corée, il y a tant de gens qui vivent sans qu’on en ait conscience. Pourtant la terre n’est pas si grande.
Fin du kimchi (les haricots sont déjà pris).
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